La Cave et le Maverlan
Saint-Sornin est pleine d’angles. La Tardoire la contourne sans l’abreuver tout à fait, une côte y descend, des bois de châ-taignier la coiffent sur le haut des tout premiers coteaux du Massif Central. On s’y regroupe en nombre pour y danser le di-manche, y pratiquer le basket ou déjeuner dans son réputé restaurant.
Mais c’est bien la vigne qui a fait la réputation de son nom, c’est bien le vin qui la distingue en Charente et même en Dordogne ou en Haute-Vienne. De tout temps il y a eu un vignoble paraît-il, déployé sur le magnifique coteau de La Fenêtre mais bien au-delà vers La Faurie, Miaulant où les villages d’Orgedeuil.
Le Gamay y était roi, avant que les cépages nouveaux, hybrides, mais aussi cabernets, lui disputent sa place.
Une coopérative y est née, de quelques esprits audacieux et solidaires, et le vin de Saint-Sornin fit son entrée dans les rayons des supermarchés, sur les tables des restaurants touristiques, se distinguant au point que l’Indication Géographique Protégée (IGP) des vins de pays charentais lui permette d’apposer sur les étiquettes la dénomination « Saint-Sornin ».
Chose rare pour distinguer ses particularités et consacrer sa qualité (car seul les vins «d’île de Ré » et « d’île d’Oléron » peuvent en faire de même).
Il y a eu l’apogée donc, une sorte d’âge d’or qui autorisa quelques viticulteurs «coopérateurs» à investir. Il faut féliciter tous ceux qui y ont cru, Placide Brunet, les Gatignol, les Bonnin et plus récemment Jean-Luc Bouyer, Frédéric Giraud, Henri Jammet, qui y ont investi.
Après l’acmé… vient cela dit la descente et depuis 10 ans ou presque AUCUNE cuvée susceptible d’être distinguée par l’IGP «Saint-Sornin» n’est sortie de la cave. Et le « Sornin » ne nous y trompons pas n’est pas du «Saint-Sornin». La surface viticole a diminué et la coopérative a terminé sa vie comme tant de petits établissements, petites succursales rachetées par des groupes ambitieux : vidée de sa substance !
La grêle de 2018, entre autre dégât a autorisé Ocealia à en finir sans culpabilité.
Parallèlement, Henri Jammet, indépendant mais pas sans lien avec ses amis coopérateurs, a développé un vignoble exceptionnel puis un vin reconnu bien au-delà de la Charente, vin blanc de caractère et de garde, d’une finesse n’ayant rien à envier aux grands bourgognes. Je l’ai suivi. Il m’a accueilli et beaucoup appris.
Maverlan est né avec des cuvées aujourd’hui réputées et qui valorisent des cépages présents depuis plusieurs siècles à Saint-Sornin, comme le Gamay, mais également des cé-pages “d’ailleurs”, comme le Pinot Noir ou la Syrah.
La haute densité (10000 pieds/ha) des vignobles plantés par Henri Jammet, par moi-même et désormais par Freddy Radepont, repreneur du vignoble d’Henri, permettent la production de vins de qualité supérieure. Ils confortent l’image de Saint-Sornin mais ne pèsent pas encore dans le paysage et surtout ne peuvent compenser le déclin du reste.
Il y a pour le vignoble ancien une souffrance qui est née de la valorisation insuffisante du
vin produit.
Mal achetée, mal valorisée, la vendange ne permet pas le financement d’un renouvellement pourtant nécessaire.
N’est-ce pas le regain de croissance des ventes du Cognac qui a permis le rajeunissement du vignoble ? Rien de tel ici pour le moment.
L’abandon du site par Océalia a été vécu pour beaucoup, j’en fait partie, comme un risque majeur : celui de voir rapidement le vignoble disparaître, ne serait-ce qu’à la faveur des départs en retraite des 4 ou 5 viticulteurs qui aujourd’hui livrent leur récolte à Siecq ou ailleurs.
Il y a donc à faire…
Jacques Soulat, négociant-caviste à Angoulême a accepté, à ma demande, de rejoindre toutes celles et ceux qui ont décidé de donner de leur temps pour tenter de donner un nouveau départ au vignoble.
Il a réouvert la boutique très vite et fait revenir sur place Éric Delage, une figure connue de la clientèle.
Jacques Soulat et moi avons créé la Sarl “Grands Vins de Charente” dans le seul but de produire à nouveau un vin valori-sant la dénomination “Saint-Sornin” de l’IGP vins de pays charentais et, après une année de travail, grâce à l’engagement aussi d’Eric Delage et de Yannick Daniel qui travaille pour Maverlan, le Sa-piens est né. Il devance une seconde cuvée “petit Sapiens”, plus accessible.
C’est un début, une amorce, l’expression d’une volonté : développer le vignoble de Saint-Sornin et le convertir petit à petit en bio avec, nous l’espérons, le soutien de tous.
Et… en premier lieu, celui de la Munici-palité de Saint-Sornin, de la Communau-té de Communes qui a accepté d’acheter la cave, enfin les murs de la cave, à Océalia.
Olivier PUCEK
Vigneron